• N'en déplaise à Bescherelle, l'euphorie ne devrait pas être résumée à une sensation d'« excitation joyeuse » (ou alors une excitation légère), afin d'éviter toute confusion avec un état plus proche de la frénésie et de l'effervescence que du sentiment d'aise qui sied à ce mot.

    Emprunté du latin eu- (bien, agréablement) et pherein (porter), euphorie est à l'origine un terme de médecine, qui désigne une impression de bien-être général, de confiance, d'optimisme (spécialement celle du patient en rémission ou qui croit se bien porter), en aucun cas un état d'agitation intense.

    Ressentir une douce euphorie. Le sport secrète une sorte d'euphorie.

    Certaines drogues provoquent un état euphorique.

    Par extension, être en pleine euphorie signifie donc « être très confiant, très optimiste », et un vent d'euphorie ne souffle rien d'autre qu'un air de sérénité et de contentement. Pas de quoi s'exciter !

    Il est loin le temps où la Bourse était en pleine euphorie (= en pleine confiance).

    Le festival s'est déroulé dans un climat enthousiaste (et non dans un climat euphorique).

    La liesse s'empara de la ville après la victoire (liesse = joie débordante et collective).

    Cet écrivain, qui fait son entrée sous un tonnerre d'applaudissements, n'est pas habitué à une telle effervescence (et non à une telle euphorie).

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    Remarque 1
    : Paul Dupré (voir bibliographie) donne une définition précise de l'euphorie : « L'euphorie n'est pas un simple bien-être, elle implique un sentiment de confiance en soi, de facilité à agir, d'excitation légère ; c'est l'état où l'on se trouve quand on relève de maladie ou l'illusion procurée par certains médicaments ou certaines drogues. Elle vient de l'être même qui la ressent et non des conditions de confort environnantes. Le mot est donc utile mais il faut le réserver à ce sens précis ».

    Remarque 2 : Pour qui a le goût du mot juste, le choix ne manque pas, en français, pour décrire les différents degrés de nos sensations : bien-être, bonheur, joie, allégresse, béatitude, plénitude, enthousiasme, effervescence, excitation, exultation, explosion de joie, liesse, etc. Raison de plus pour ne pas céder à la mode consistant à donner à euphorie des sens qui ne sont pas les siens et qui ajoutent à la confusion.

    Remarque 3 : On retrouve la même idée positive exprimée par le préfixe grec eu- dans euphémisme (« bonne parole » d'où « atténuation d'une expression jugée trop désagréable »), euphonie (« bon son » d'où « ce qui est agréable à l'oreille »), eurythmie (« bon mouvement » d'où « parfaite régularité du pouls »), eugénisme (« bonne origine » d'où « amélioration des caractères héréditaires d'un groupe humain »), euthanasie (« mort agréable » d'où « action destinée à donner la mort à un malade incurable pour soulager ses souffrances »), etc.

    Euphorie
    Explosions de joie nocturnes ou nuits de bien-être ?...

     


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  • Je me suis souvent demandé quelle était précisément la différence entre les paronymes atemporel et intemporel. Et force est de constater que la distinction ne brille pas par son évidence...

    On l'aura deviné, la clef se situe dans le choix du préfixe.

    Composé du préfixe privatif a- (qui signifie « pas » ou « sans » et marque donc l'absence) et de temporel, l'adjectif atemporel qualifie ce qui est hors du temps, qui n'a pas de rapport avec le temps, à l'instar de apatride qui désigne une personne sans patrie, asociale, une personne qui vit en dehors de la société, etc. On parlera ainsi d'un « décor atemporel [qui] sert pour la pièce de Molière et celle de Beckett » (Larousse), ou encore d'une forme verbale atemporelle quand elle n'exprime pas un temps, quand elle n'a pas de rapport avec le temps (comme dans « deux et deux font quatre »).

    De son côté, intemporel, plus courant, est formé du préfixe négatif in- (qui marque la négation) et de l'adjectif temporel. Cela revient à obtenir le contraire de temporel (selon la même construction que les couples utile/inutile, visible/invisible, etc.). Intemporel signifie donc « non temporel », c'est-à-dire « qui ne change pas avec le temps, immuable, éternel ».

    Une pensée intemporelle. Une réalité intemporelle.

    AstuceAinsi, atemporel qualifierait quelque chose qui est soustrait au temps (= hors du temps) et intemporel, quelque chose qui est de tout temps (= immuable).


    Problème : les exemples proposés par l'Académie dans son Dictionnaire, pour une fois, sèment la confusion plus qu'ils ne nous éclairent.

    Une vérité atemporelle. Des vérités intemporelles.

    Nous voilà bien avancés ! Sans doute est-il grand... temps de passer à autre chose.

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    Remarque 1
    : La distinction entre amoral et immoral (et donc entre amoralité et immoralité) est plus facile à apprécier : le premier adjectif, formé à partir du préfixe a- qui marque l'absence, peut se traduire par « sans moral » ; le second, formé à partir du préfixe négatif im- (variante de in-) qui marque la négation, par « contraire à la morale ».

    Une personne amorale (= qui n'a aucune notion de la morale, qui en ignore les principes) mais Une personne immorale (= qui transgresse sciemment les principes moraux).

    Une œuvre amorale (= qui se situe hors du domaine de la morale, qui ne prend pas en considération les notions de bien et de mal) mais Une œuvre immorale (= qui est contraire à la morale, aux bonnes mœurs).

    Un animal est un être amoral car la notion de morale lui est étrangère.

    Remarque 2 : Les biens temporels (= séculiers, qui concernent les choses matérielles) s'opposent aux biens spirituels (qui concernent les choses de l'esprit), de même que le pouvoir temporel (relatif aux affaires humaines et à l'ordre social) s'oppose au pouvoir spirituel (relatif à la religion, à l'Église).

    Atemporel / Intemporel

     


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  • Glu

    C'est sous l'attraction du mot anglais glue que certains croient utile d'affubler le français glu d'un e superfétatoire pour désigner la substance collante extraite de l'écorce du houx ou des baies du gui.

    Il a conçu un piège avec de la glu pour prendre des petits oiseaux.

    Avoir de la glu aux mains (= retenir plus qu'on ne doit de l'argent qui passe par les mains).

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    Remarque
    : Glu fait partie de ces mots en u (avec bru, tribu, vertu) qui, bien que féminins, s'écrivent sans ce e final qui leur colle pourtant aux lettres.

    Glu

     


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  • L'adjectif pareil, qui signifie « égal, semblable, identique », s'accorde logiquement en genre (masculin / féminin) et en nombre (singulier / pluriel) avec le nom auquel il se rapporte.

    Ces deux robes sont pareilles.

    Je n'ai jamais vécu pareilles aventures. Je n'ai jamais rien vu de pareil.

    Ce n'est pas pareil, ça n'a rien à voir.

    Rester pareil à soi-même.

    D'ordinaire, l'accord est également de mise avec les locutions adjectives sans pareil et à nul autre pareil, qui signifient « incomparable ».

    Des exploits sans pareils. Une honnêteté sans pareille.

    Une femme à nulle autre pareille, un homme à nul autre pareil.


    Dans la langue soutenue, le complément sera introduit par à et non par que.

    Une robe pareille à la tienne (et non pareille que la tienne).


    Bien que courant, l'emploi de pareil comme adverbe (pour modifier le verbe) est incorrect. On préférera pareillement, de même, de la même façon, comme, etc.

    J'ai fait comme toi (et non J'ai fait pareil que toi).

    Je ne pense pas la même chose. (et non Je ne pense pas pareil).

    Ils sont habillés de façon identique (et non Ils sont habillés pareil).

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    Remarque
    : Pareil est également un nom signifiant « chose semblable, identique à celle dont on parle », que l'on rencontre surtout dans quelques expressions.

    Au féminin : Rendre la pareille (et non l'appareil) à quelqu'un (= faire à quelqu’un – en bien ou en mal – ce qu’il a fait vis-à-vis de soi).

    Au masculin : C'est du pareil au même (= il n'y a aucune différence). Elle n'a pas son pareil (ou sa pareille) pour nous faire rire (= elle est inégalée dans son domaine).

    Au pluriel : Vous et vos pareils (= vous et vos semblables, personnes de même caractère, de même qualité, de même condition).

    Voir également ce billet.

    Pareil
    Film de Pascal Laëthier

     


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  • On veillera à bien orthographier la deuxième syllabe du mot discrimination, qui a vite fait − sous l'effet d'une prononciation paresseuse subissant l'attraction de discret ? − de se voir affubler d'un é barbare à la place du i.

    Emprunté du latin discriminatio (« séparation »), le mot discrimination compte donc quatre i et signifie « distinction, différence » (sans idée de traitement inégal) ainsi que « action d'isoler et de traiter différemment certains individus par rapport aux autres » (avec, cette fois, l'idée de traitement inégalitaire).

    La discrimination du vrai et du faux, du vrai d'avec le faux.

    Une discrimination sociale, raciale.

    La loi s'applique à tous sans discrimination.

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    Remarque
     : Selon Hanse (1983), l'usage du verbe discriminer est « beaucoup plus rare » que celui du nom discrimination et de l'adjectif discriminatoire. Voir également l'article Discriminer.

     

    Discrimination

     


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